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Les perspectives futures : Vers une numérisation accessible et équitable du secteur social

Kerstin Bongard-Blanchy

Kerstin Bongard-Blanchy

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Les perspectives futures : Vers une numérisation accessible et équitable du secteur social

La numérisation du secteur éducatif

Le LMDDC s'engage à soutenir les acteurs nationaux dans l'intégration du numérique dans l'apprentissage. Au travers de nos divers projets, nous observons que la numérisation est une tendance dominante dans l'éducation, apportant de nombreux avantages à toutes les parties concernées.

Les enseignants bénéficient d'une variété d'outils et de ressources numériques pour créer du contenu de cours interactif - plus engageant et plus ciblé - et pour rendre l'évaluation des compétences plus efficace.

Les apprenants ont accès à de nombreuses ressources en ligne, comme des pages interactives, des vidéos et des jeux pour mener des recherches de façon autonome et monter en compétence d'une manière qui leur correspond. En plus, l'apprentissage à distance rend l'éducation accessible aux étudiants des régions éloignées ou mal desservies.

Les administrateurs peuvent rationaliser certaines tâches administratives et améliorer les processus de prise de décision. La numérisation leur permet ainsi de renforcer l'efficacité globale de leurs établissements d'enseignement.

Notre expertise porte sur le secteur éducatif, mais il est raisonnable de supposer que la numérisation est également une tendance majeure pour le secteur social avec qui nous avons engagé un échange lors de la Journée du Secteur Social. Il existe des similitudes en termes d'opportunités et de risques pour les organisations et les bénéficiaires de la FEDAS Luxembourg. Voici ce que nous avons identifié.

Les opportunités de la numérisation pour le secteur social

Un meilleur accès aux services

Les applications mobiles, les sites web et les chatbots peuvent aider les organisations à rendre les différentes étapes, de l'accueil des bénéficiers à l'allocation des ressources, plus efficaces et plus accessibles. Ainsi les bénéficiaires auront plus facilement accès aux services essentiels, tels que la télémédecine, le conseil en ligne, l'éducation numérique et l'assistance financière, ce qui peut combler des lacunes dans la prestation de services.

Exemples : Doctena.lu, MyGuichet.lu

Un gain d'efficacité

En automatisant les tâches de routine telles que la gestion des donateurs, les rapports financiers et la communication, les organisations peuvent concentrer davantage leurs ressources sur leurs services directs. Cette efficacité accrue devrait réduire les temps de réponse, simplifiant ainsi l'obtention des services nécessaires pour les bénéficiaires.

Exemple : Odoo CRM

Des décisions fondées sur des données

Au travers des outils numériques les organisations collectent une multitude de données. En analysant les données relatives aux bénéficiaires, les organisations peuvent mieux comprendre les besoins de leurs communautés et adapter leurs services en conséquence. Cette analyse des données permettra par exemple d'identifier certains schémas de comportement, ce qui donnera la possibilité d'apporter aux bénéficiaires le soutien adéquat au moment nécessaire.

Exemple : Annie advisor

Une communication améliorée

Les médias sociaux, les newsletters et les campagnes de sensibilisation en ligne permettent d'atteindre un plus grand nombre de personnes, de sensibiliser la population et de s'engager auprès des donateurs et du public. Les plateformes de communication permettent aussi aux bénéficiaires de faire part de leurs besoins, fournir un retour sur expérience et entrer en contact avec les services. Ce qui favorise une relation plus interactive et plus réactive.

En plus, le nombre croissant d'outils de traduction et de reconnaissance d'image aidera à surmonter la barrière linguistique dans l'échange entre les organisations et les bénéficiaires.

Exemples : applications de traduction et de reconnaissance de texte et d'image

Des solutions émergentes à des problèmes sociaux complexes

Et finalement, il y a aussi ce grand espoir que les plateformes numériques qui utilisent l'IA et le big data peuvent à terme aider à identifier et à résoudre des problèmes systémiques. Par exemple, l'analyse prédictive pourrait prévenir le sans-abrisme, et les plateformes pourront mettre en relation les personnes avec des opportunités d'emploi ou d'éducation.

Il y a plein d'autres opportunités. Cependant, la transition numérique pose aussi de nombreux défis pour le secteur social. Nous en avons identifié cinq.

Les défis de la numérisation pour le secteur social

Le respect de la vie privée

Les organisations collectent de plus en plus de données personnelles par le biais de plateformes numériques. Chaque organisation doit veiller au respect des lois sur la protection de la vie privée - le RGPD - et prendre des mesures pour protéger les informations particulièrement sensibles des bénéficiaires afin de préserver leur confiance et prévenir l’abus de leur situation.

La cybersécurité

Le cas récent de Caritas Luxembourg a mis en lumière l'importance croissante de la sécurité informatique. Le secteur social comme le secteur privé subit l'impact des attaques de phishing, un défi auquel il n'est peut-être pas encore suffisamment préparé.

Ceci est aussi vrai pour les bénéficiaires qui, par manque de compétences, de connaissances et de ressources (ils ont d'autres priorités) sont particulièrement vulnérables aux phishings.

La transformation de la main-d'œuvre

La numérisation exige des professionnels qualifiés tels que les administrateurs systèmes, les développeurs, les analystes de données, et les experts en cybersécurité - des compétences très recherchées au Luxembourg et pour qui le secteur social se trouve en concurrence directe avec le marché privé.

L'acquisition des compétences numériques chez les bénéficiaires devient également une partie indispensable des services sociaux. Le secteur social doit non seulement les aider à accéder aux services en ligne, mais aussi à se préparer à un marché du travail de plus en plus axé sur le numérique.

La fracture numérique

Beaucoup de personnes n'ont accès à internet que via leur téléphone mobile. Si les services ne sont pas adaptés à l'écran mobile, ces personnes ne peuvent pas accomplir leurs démarches. En plus, le langage utilisé dans les interfaces peut être un obstacle si la langue n'est pas parlée par les personnes ou si le langage est trop complexe. Il est recommandé d'utiliser le langage simple et de tirer parti des outils de traduction automatique disponibles via des applications et des add-ons du navigateur.

Le coût et la dépendance

Adopter des technologies numériques peut être coûteux et exige des ressources importantes, surtout pour les petites organisations avec des budgets limités. Comment bien choisir ses solutions numériques, comment ne pas se retrouver avec un fournisseur captif à cause d'un format non-standard ?

Nous n'avons pas de solution prête pour résoudre chacun de ces défis. Cependant, pour ce dernier défi mentionné, il est bon de savoir que les logiciels libres (open source) peuvent être un bon point de départ.

Les logiciels libres au service du secteur social

Les logiciels open source sont des logiciels mis à disposition avec leur code source. Ils sont développés de manière publique et collaborative, ce qui permet à quiconque de les utiliser, distribuer et modifier selon les besoins de son organisation.

Une solution open source très répandue dans le domaine de l'éducation est le LMS (système de gestion de l'apprentissage) Moodle. Il vise à assister les administrateurs éducatifs dans la gestion des apprenants et à aider les enseignants dans la conception et l'administration des cours. À cette fin, il offre des fonctionnalités pour élaborer des cours, des exercices, des évaluations et des discussions, ce qui en fait un outil largement utilisé dans les établissements scolaires, les universités et même dans les entreprises et les organisations publiques.

Le LMDDC a été chargé de mettre à disposition des acteurs publics des outils numériques pour l'éducation. Tous nos développements sont en open source et visent à promouvoir l'intérêt général, de préserver l'indépendance de nos partenaires et de garantir l'interopérabilité avec d'autres systèmes en respectant les standards en vigueur.

Dans cette optique, notre plateforme skilltech.tools propose une dizaine d'outils en accès libre qui peuvent également intéresser les acteurs du secteur social – notamment les personnes en charge de l’éducation non formelle et informelle.

L'open source est aligné avec la mission du secteur social

Le secteur social doit se donner les moyens pour comprendre et saisir les opportunités et les risques de la numérisation, afin de garantir que celle-ci renforce sa mission et ait un impact positif sur les communautés qu'il dessert.

Dans cette optique, nous encourageons les professionnels de l'informatique du secteur social à explorer les solutions open source avant de choisir des logiciels propriétaires, pour éviter d'être captifs d'un format ou d'un contrat de service.

Pour tout qui a une visée éducative dans le secteur social, le LMDDC offre des services de conception de formation, propose l'hébergement et l'adaptation des plateformes ou des logiciels de nos partenaires, et fournit un soutien pour la mise en place ou la migration des plateformes et des données.

Kerstin Bongard-Blanchy

Kerstin Bongard-Blanchy

Kerstin seeks, researches and designs experiences.